Manifeste pour une culture alternative à Nice

Nous, alternatifs niçois, demandons à être respectés.

L’insurrection des gilets jaunes a révélé l’ampleur de la faillite démocratique actuelle. Il est grand temps, pour nos représentants, de prendre conscience des changements à l’œuvre dans notre société, et de se faire les alliés des citoyens actifs de la « culture alternative », plutôt que leurs adversaires. Et ce, hélas, à Nice plus qu’ailleurs. Un appel du collectif Pilule Rouge (Nice). 

MANIFESTE ALTERNATIF – Nice

Nous, acteur du monde « alternatif », militants, associatifs, citoyens solidaires, demandons à être soutenus.

L’urgence climatique, démocratique, économique et sociale dans laquelle nous nous trouvons actuellement ne peut désormais échapper qu’aux plus fanatiques tenants de la pensée dominante, qui s’obstinent à rajouter des louches de ciment sur les ruines d’un monde qui n’est pas, qui n’est plus le nôtre. Nombreux sont les citoyens qui ont pris sur eux, devant cette urgence, de poser les bases d’une société nouvelle, « alternative ». Mais le moins que l’on puisse dire est que nous ne sommes pas encouragés dans cette salutaire démarche.

Nice, un désert culturel et social

Prenons un exemple. Nice est la sixième ville de France. Une cité charmante, avec sa Vieille Ville, ses plages de galets, son soleil, ses montagnes, qui attirent chaque année des millions de touristes. Mais la municipalité semble bien décidée à faire en sorte que Nice ne demeure que ça : un parc d’attraction folklorique, figé dans le formol. Même si quelques insurgés en jaune sont venus récemment mettre du désordre dans la carte postale…

En effet, la politique culturelle et sociale de la ville est un échec. Cela fait des années que le Maire et président de la Métropole, M. Estrosi, fait postuler en vain Nice pour le titre de capitale européenne de la culture. Une velléité risible, tant on est loin du compte. Car des infrastructures touristiques et un carnaval aussi couteux que sans âme, déserté par les locaux, ne font pas la culture. Pas plus que de dantesques chantiers publics, tel le nouveau stade, sur le coût duquel le Parquet National Financier s’est penché, ou les aménagements de la plaine du Var (la bien mal nommée « éco-vallée », qui sera en fait un désastre écologique), qui n’ont eu pour conséquence que de faire de Nice l’une des villes les plus endettées de France (3ième position pour 510 millions d’euros en 2017).  

Et pendant ce temps-là, loin des regards, dans l’indifférence la plus totale de la municipalité, bon nombre de niçois sombrent dans la misère. Avec 1 habitant sur 5 vivant sous le seuil français de pauvreté (c’est-à-dire, ayant des revenus inférieurs ou égal à 60% du salaire médian) Nice est classée 14ème, en terme de richesse de ses habitants, sur les 20 plus grandes villes du pays. On l’oublie trop souvent, la capitale azuréenne fait ainsi partie des grandes agglomérations les plus pauvres… Les banlieues populaires des Moulins et de l’Ariane sont presque totalement délaissées. Les sans-abris sont invisibilisés, avec des places en centre d’accueil insuffisantes et un manque criant de points d’eaux et d’espaces d’hygiène accessibles et gratuits. Les espaces culturels sont rares, et peu utilisés. Quant à la transition écologique, principal combat de notre siècle, elle demeure ici un vœu pieu. Lire la suite

Et celles et ceux qui s’obstinent, de façon désintéressée, à pallier les carences de la municipalité, venant en aide à celles et ceux qui en ont besoin, tout en tâchant de faire en sorte que Nice ne devienne pas le désert culturel et social (ces deux questions étant toujours liées) qu’elle semble hélas vouée à devenir, sont quant à elles et eux laissé-e-s de côté, voire, doivent subir un acharnement injuste et systématique.

Errances de la politique culturelle locale, entre indifférence et répression

Dans tous les domaines, le constat est accablant. La friche des Diables Bleus a été détruite au bulldozer en 2004. Les foyers étudiants, fermés les uns après les autres. Le Volume, unique salle de moyenne contenance du centre-ville, expulsé sans que ne soient proposées des solutions de relogement satisfaisantes. Il y a deux ans, la fête du Château, qui rassemble traditionnellement chaque année toutes les associations de la ville, pour un week-end festif et populaire, ouvert à tou-te-s, a été annulée, officiellement pour des raisons de sécurité (elle a heureusement réapparu depuis). Les carnavals indépendants, tradition locale, continuent à faire face à l’hostilité de la municipalité. Les groupes de musique niçois se savent pas où se produire, et beaucoup choisissent l’exil vers des cieux plus cléments, notamment vers Marseille. La plupart des associations peinent à trouver des locaux. Les procès se multiplient contre les citoyens solidaires venant en aide aux demandeurs d’asile. Les collectifs œuvrant pour la transition écologique ne sont pas encouragés –voire, dans la Roya ou la plaine du var, ils sont combattus pour laisser place à des chantiers délirants. 

Les pouvoirs publics locaux portent évidemment une lourde responsabilité dans ce triste état de fait. En ne dirigeant ses subventions que vers les secteurs associatifs les plus institutionnels. En ne manifestant aucune intention de venir en aide à des associations souffrant d’une précarité généralisée, et mise à mal par la suppression des emplois aidés. Et, surtout, en faisant preuve d’une hostilité assumée, voire revendiquée (lutte contre l’affichage, prétexte du « tapage nocturne », interdiction des rassemblements publics…), vis-à-vis de toutes celles et ceux qui n’ont pas l’heur de leur faire le plaisir de rentrer dans les rails d’une culture locale momifiée, où tout est fait pour que rien ne change.

Prenons l’exemple du 109, les anciens abattoirs de la ville, à Saint-Roch, d’immenses locaux de 40 000 m2 réquisitionnés par la mairie. Là où celle-ci souhaitait faire germer une friche culturelle, semblable à la Belle de Mai de Marseille, qu’avons-nous obtenu ? Le 109 demeure quasiment inutilisé, lésé par une gestion tatillonne qui n’ouvre les portes des Abattoirs qu’a un nombre très fermé d’associations –et il ne semble pas, puisque les demandes des autres collectifs niçois sont systématiquement refusées, que cette situation soit vouée à changer à court ou moyen terme- et ne consent à organiser des évènements que de temps à autre, là où il pourrait y en avoir chaque semaine, dans tous les domaines : écologie, humanitaire, musique, danse, cirque, éducation populaire… On pourrait également y implanter une bibliothèque associative, un café culturel, y planter des arbres, un potager ouvert à tou-te-s… Les possibilités d’utilisation de ce lieu sont immenses ! Mais rien. Ceci est un naufrage, pour tous les habitants de cette ville.

A quoi sert la culture dite « alternative » ?

Nous entendons, par ce terme, la culture qui s’épanouit en dehors des sentiers battus, et qui donne de l’espoir, souhaite changer le monde, créer des liens entre les personnes, dans une démarche solidaire, festive et ouverte. Une galaxie d’associations et de citoyens ayant décidé de consacrer une partie, et parfois la majeure partie, de leur temps libre (rares sont ceux qui parviennent à en faire leur métier, et à en vivre décemment) afin de mener à bien des projets culturels, éducatifs, humanitaires et sociaux qui profitent à tou-te-s, des banlieues jusqu’aux montagnes.

Cet art du vivre-ensemble est nécessaire. Et l’argent de la municipalité étant le nôtre, il paraît normal qu’il serve à soutenir ces initiatives méritantes. Car l’alternatif n’est pas une simple forme d’opposition auto-satisfaite et fermée sur elle-même. L’alternatif est une force de présentation de nouvelles modalités de vie. Il n’est pas figé : il est une sorte de veille. Un pied dans la porte pour qu’elle ne se referme pas. Les alternatifs sont les veilleurs de notre société. Comme dans le théâtre antique, ceux qui la poussent à explorer son impensé, voire ses démons. Ceux qui toujours dérangent, pour ne pas laisser les autres s’assoupir.

Nous, alternatifs niçois, nous aimons notre ville, et tous les habitants qui y vivent. Cette terre du Sud cosmopolite, métissée, populaire, colorée, nichée entre mer et montagne. Cette ville qui fut longtemps un lieu d’accueil, et qui laisse aujourd’hui les demandeurs d’asile se noyer dans les eaux méditerranéennes, tandis que d’autres sont refoulés vers l’Italie, dans la Roya. Cette ville qui a vu naître le Pantaï, puis a tenté de le tuer à coups d’arrêtés préfectoraux, de répressions diverses, de brimades continuelles. Cette ville d’artistes qui ne conçoit l’art qu’en cage ou sous verre. Cette ville qui incarne si bien, malheureusement, ce qu’est la France du XXIème siècle : policée par l’État d’urgence, folklorisée pour les touristes, endeuillée par les attentats, et implacable pour « ceux [et celles] qui ne sont rien », les « fainéants », les précaires, les bénévoles, les militants, les rêveurs, les utopistes, les sans-papiers, les artistes, les exclus, les vagabonds, les chômeurs…  Ceux-là même qui ont décidé d’envahir les ronds-points et boulevards du pays, animé d’une colère légitime.

Les raisons de désespérer sont nombreuses aujourd’hui. Heureusement, ceux et celles que l’on appelle les alternatifs restent aux aguets, souvent invisibles. Et ils s’acharnent à mener à bien, à leur petite échelle, des processus nécessaires : la transition écologique, la de-marginalisation des banlieues populaires qui sont aussi la ville, le travail social à destination des plus fragile, la défense des minorités, les luttes féministes, la défense des droits LGBT+, l’organisation d’une vie culturelle ouverte à tou-te-s…

Récemment, quelques temps après le rapport du GIEC montrant l’urgence du combat écologiste, les Assises de la Transition ont eu lieu à Nice, en partenariat avec le CNRS et l’Université Nice Sophia-Antipolis. Comme l’a écrit alors le collectif Concert Chez Moi, ce fut « l’occasion de constater que Nice et les Alpes Maritimes fourmillent d’initiatives et de passions qui sont autant de réponses au pessimisme ambiant (initiatives rarement soutenues par les autorités), qu’il y a des citoyens conscients, éclairés, actifs dans leurs organisations respectives. Les Assises tentent de fédérer, de faire se rencontrer ces acteurs de la transition déjà engagée et s’adresse à tous ceux qui se sentent impuissants face au changement climatique, à la finitude des ressources, au besoin de changer nos systèmes de production et de consommation… mais conservent l’envie d’agir et souhaitent refonder notre système démocratique (ou ce qu’il en reste) ».

Il est grand temps, pour nos représentants, de prendre conscience de ces changements, et de se faire les alliés de celles et ceux qui œuvrent à un avenir meilleur, plutôt que leurs adversaires. Et ce, hélas, à Nice plus qu’ailleurs.

C’est pourquoi nous, alternatifs niçois, demandons à ce que notre ville, et avec elle les métropoles du pays entier, revoient intégralement leur politique culturelle et sociale. Qu’elles tendent enfin l’oreille, et la main. A nous, et à tou-te-s les habitant-e-s des villes et des campagnes, de quelque origine qu’ils soient. Nos idées sont nombreuses !

Et que l’indifférence qu’elle nous accorde depuis si longtemps cesse enfin. Que les actions de nos amis, Ti’ Pantaï, Concert chez Moi, Télé Chez moi, la Zonmé, DTC – Défends Ta Citoyenneté, Roya Citoyenne, l’Anafé, Habitat & Citoyenneté, Nice-à-Vélo, Viavélo, le DAL06, Sauvons la Roya, Keskon Frabrik, les Diables Bleus, le Pigeonnier, Zu Maï, les Eco-Charlie, le GRAF, Zéro Déchets, Alternatiba06, et de tous les autres, ici même et dans tout le pays, soient enfin encouragées et reconnues à leur juste valeur.

Viva !

À l’attaque de Loïc Lantoine

À l’attaque de Loïc Lantoine

Si on fait la collec’ des rires
C’est pour préparer nos combats
C’est parce qu’on sait pas trop quoi dire
À part regarder plus en bas
Et si on mélange nos pleurs
Dans une mer d’amitié
C’est qu’il nous reste un peu de peur
Et qu’on a su la partager
Quand de sublimes engueulades
Viennent allumer le petit jour
C’est la honte d’un malade
Et c’est pour ça qu’encore on court
Et c’est pas fini et ça continue
Vas-y patron sers moi un rêve
Je te le paierai en fou rire
Il est pas l’heure de la trêve
On laissera pas nos poings mourir
Et vos têtes en timidité
Tellement vous aimez les
Pas besoin de vous imiter
Parce que j’vous aime c’est vous

mes autres
Quand la folie dévaste tout
On voyage par petits bouts d’phrase
Un tour de terre en rien du tout
C’est notre cafard qu’on écrase
Quand on reprend le temps de s’asseoir
Au comptoir des quand même content
On s’dit que ça s’appelle l’espoir
On s’dit qu’on a encore du temps
Et qu’c’est pas fini et qu’ça continue
Vas y patron sers moi un rêve
Je te le paierai en fou rire
Il est pas l’heure de la trêve
On laissera pas nos poings mourir
À l’attaque, à l’attaque, à l’attaque, à l’attaque
À l’attaque

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